Le monde s'est arrêté, l'absence est devenue présente et personne ne traversait plus les ponts. Ce monde était un autre monde, méconnaissable et pourtant plus identifiable que jamais. Tout était d'une étrange clarté qui permettait de percevoir chaque pore de la ville tapie derrière ses portes. La routine habituelle et les allées et venues se sont estompées et tues.
La ville semblait différente, mais personne n’arrivait à entendre ses gémissements. C'était un cri sourd, un cri sec, un cri désespéré.
Le murmure sortait des fenêtres. En aiguisant nos sens, on aurait pu entendre les conversations qui allaient et venaient dans l'air, invisibles sans que personne y prête attention. La vie changeait à chaque heure, à chaque minute, à chaque seconde, tout comme la lumière changeante de ces journées qui ne finissaient jamais et qui étaient inlassablement rattrapées par la nuit, une nuit où le silence était encore plus audible. Durant cette période, la meilleure façon d'être présent était de devenir invisible, cesser d'être vivant pour continuer à l’être devint ainsi la meilleure façon d'exister.
Carlos del Amor
Fantaisie à partir du Printemps 1, 2015
Photographie sur toile
203 x 314 cm
Fantaisie à partir du Printemps 3, 2018
Photographie sur toile
203 x 314 cm
Carlos del Amor
Bilbao 10-04-2020 12h16, 2020
Impression directe sur Dibond
288 x 200 cm
Il est évident mais aussi étrange de dire d'un endroit qu’il est vide sans qu’au préalable il ait été plein. Le néant n'existe pas si nous n'avons pas avant vu l’abondance. C'est pourquoi nous étions plus que jamais nécessaires pour illustrer l'absence qui prône dans les photographies de ce livre. Notre cerveau, qui nous trahit si souvent, ne comprend parfois pas le vide et seul et sans autorisation il se met à ajouter les points de suspension aux images. Ainsi, sans personne, on peut croire que l'on voit des gens traverser le pont de La Salve, en train de presser le pas alors que l'imposant navire échoué qu'est le Musée navigue dans notre direction. Nous entendons des pas qui n’ont pas foulé le sol, le grondement de moteur des voitures qui ne roulent pas, le cri d'un enfant qui n'a pas retenti ce jour-là.
Tout le monde était, peut-être plus que jamais, présent. Ils ont tous marché dans ces rues ce jour-là d’avril 2020. Ils l'ont tous fait en fermant les yeux, en serrant leurs paupières comme si, par ce geste, il leur était possible de retrouver pendant quelques secondes leur routine tant désirée, rompue lors de ce printemps au ciel nuageux.
Le monde s'est arrêté et personne ne traversait plus les ponts.
Pont de La Salve, Bilbao 10-04-2020 11h15, 2020
Impression directe sur Dibond
288 x 200 cm
Gran Vía D. Diego López de Haro 10-04-2020 14h04, 2020
Impression directe sur Dibond
200 x 140 cm
Rue Bailén 10-04-2020 17h03, 2020
Impression directe sur Dibond
200 x 150 cm
Carlos del Amor
Musée Guggenheim Bilbao 10-04-2020, 2020
Impression directe sur Dibond
226 x 300 cm
Le vide nous accompagne à travers différentes présences : sous forme de maladie, de tristesse, de solitude, mais aussi comme une opportunité d'exil intérieur, pour affronter nos propres fantômes, comme une sublime expression de l’amour ou des choses les plus importantes de la vie, la vitalité et la pensée.
Ce projet nous invite à observer la tension de chaque instant pour regarder les situations passées et présentes et envisager un avenir plein d'espoir.
Petra Joos
Jardín oculto, 2014
Impression numérique sur toile
204 x 192 cm
El jardín deshabitado, 2008
Impression numérique sur toile
204 x 384,2 cm
Lieu pour une naissance, 2012
Impression numérique sur toile
173 x 277,5 cm
Fantaisie italienne, 2012
Impression numérique sur Airtex PVC
98,5 x 154 cm
José Manuel Ballester
Le Printemps, 2015
Impression numérique sur toile
203 x 314 cm
Lieu pour une Annonciation 2, 2012
Impression numérique sur toile
99,3 x 217 cm
Palais Royal, 2009
Impression numérique sur toile
318,38 x 276,01 cm
Guggenheim Bilbao Museoa
Nous pouvons être confrontés à la désolation d'un paysage après la bataille, face au lieu qui demeure quand il n'y a plus rien. Ce lieu qui a été tant de fois, foulé et parcouru et dont nous avons été expulsés de manière abrupte et non voulue. Voilà ce qu'a été un jour notre vie, notre histoire, voilà le bonheur dont nous avons pu jouir avant que tout ne soit envahi de nuages et que les bombes ne se mettent à tomber sans pouvoir leur échapper. Chaque recoin du monde nous renvoie à l’instant d’après, lorsque la tranquillité encore fragile s'est fissurée et quand les cris assourdissants ont retenti alors que personne ne les entendait.
Ce décor vide représente les milliers de décors vides qui ont traversé l'histoire. Ce lieu, c'est Guernica et c'est Hiroshima, c'est l'Irak et l'Afghanistan. C'est le Rwanda et les Balkans, le Kosovo, le Liberia... Tous ces lieux où des innocents ont souffert et pleuré et ont cherché des réponses en regardant le ciel qui lui ne comprenait pas les questions.
Séneca
Autour du Guernica,, 2009/2020
Impresión UVI sobre lino y barnizado
349,5 x 781,5 cm
S'il y a une chose dont nous avons pris conscience avec la crise sanitaire, c'est effectivement de notre vulnérabilité. Nous nous croyions invincibles et nous sommes fragiles, comme l'ont été les habitants de Guernica le 26 avril 1937 à l’instar du titre d'un livre de Benedetti, Printemps dans un miroir brisé, comme celui que nous avons tous vécu.
En revenant sur les lieux des événements, on voit encore de la lumière au milieu d'une nuit trop longue, une lumière qui empêche l'obscurité totale et qui est également nécessaire pour pouvoir contempler l'horreur, car si l'on ne voit pas l'horreur, on court le risque de croire qu'il ne s'est rien passé, même si on est passé maître dans l'art de s'immuniser très vite contre tout.
José Manuel Ballester a eu la délicatesse de conserver dans son œuvre la petite fleur de Picasso, à côté de l’épée brisée.
Cette fleur, nous pouvons nous y accrocher hier et aujourd'hui. Cette fleur est la preuve qu'il existe peut-être un avenir dans lequel nous pouvons vivre sans crier, sans larmes, sans désespoir. Un avenir où les scènes de la peinture de Picasso ne se reproduiront pas à intervalles réguliers.
Le noir, le blanc, le gris et le bleu parcourent le tableau en accentuant le contraste et la fleur représente, indéniablement, l'espoir de voir naître une nouvelle couleur pouvant s'imposer à cette palette. Le temps nous le dira. Mais, au risque d'être pessimiste, il est difficile d'imaginer qu'il n'y aura plus d’autre «Guernica » à l'avenir, que plus personne ne disparaîtra dans des lieux dominés par la déraison et la cupidité. S'il y a une chose que nous avons apprise au cours des siècles, c'est que nous ne sommes pas capables d'apprendre.
Nous désirons la fleur, certes, mais quand il est question de vérité, nous saisissons l'épée et il est donc impossible que le printemps l'emporte.
Carlos del Amor
Le 3 mai, 2008
Impression numérique sur toile
268 x 351 cm
Guggenheim Bilbao Museoa
Mon intervention sur Guernica, ainsi que sur Le 3 mai et certaines gravures des Désastres de la guerre de Goya, est une tentative de ramener à l'époque actuelle les événements qui ont motivé la création de ces œuvres pour les mettre en parallèle avec les conflits actuels existant dans le monde.
Ce sont des événements qui nous choquent et nous émeuvent, mais en même temps ils s'effacent dans notre conscience plus ils s’éloignent dans le temps.
José manuel Ballester
Jenny Holzer
Le radeau de la méduse, 2010
Impression numérique sur toile
491 x 717 cm
Guggenheim Bilbao Museoa
Arthur Rimbaud
Le fait de faire disparaitre des œuvres leurs personnages nous transpose dans un décor de désolation, absurde, et cela rend encore plus évidentes les terribles conséquences de la barbarie humaine.
José manuel Ballester
Paysage aux rochers, 2010
Impression numérique sur toile
199 x 122 cm
Ces images inédites reflètent la réalité de Bilbao et de nombreuses autres villes du monde pendant la période de confinement et, conjointement à l'œuvre Autour du Guernica, 2009/2020, elles nous proposent une vision fidèle et très actuelle de cet événement historique et humainement tragique, afin de réfléchir aux terribles conséquences de certains événements comme les guerres ou les pandémies.
Place Arriaga 10-04-2020 16h31, 2020
Impression directe sur Dibond
134 x 300 cm
Gare de La Concordia, rue Bailén 10-04-2020 16h49, 2020
Impression directe sur Dibond
122 x 239 cm
Carlos del Amor
NY 18/11/01 14h49, 2018
Impression directe sur Dibond
180 x 240 cm
Manhattan 3, 2006
Impression directe sur Dibond
141 x 300 cm
23 Street, 2008
Impression directe sur Dibond
167,3 x 300 cm
NY Zona zéro, 2008
Impression directe sur Dibond
144,7 x 300 cm
NY 18/11/04 09h26, 2018
Impression directe sur Dibond
161,6 x 300 cm
Ballester s'intéresse aux lieux vides, il représente les gens à travers leurs empreintes et leurs réflexions.
Son travail se penche sur la solitude des individus et sur les contradictions du monde moderne à travers les environnements urbains. Les espaces quotidiens sont transformés en scènes intemporelles, où l’invisible et le visible, le public et le privé et la bipolarité, agissent comme des éléments qui mettent en abîme la condition humaine.
Petra Joos
Venise 1, 2017
Impression directe sur Dibond
200 x 266 cm
Venise 2, 2017
Impression directe sur Dibond
200 x 266 cm
Escalier en construction, 2003
Acrylique sur papier collé et planche
156,5 x 250 cm
Wuhan 2, 2014
Impression directe sur Dibond
160 x 240 cm
Où traverser quand on peut traverser partout. Je vous ai vu tant de fois traverser d'un trottoir à l'autre dans cette rue, en vous effleurant les uns les autres aux heures de pointe, absorbés dans vos téléphones portables, courant pour ne pas être en retard à une réunion. Tous nos rendez-vous étaient importants, jusqu'à aujourd’hui, et nous avons réalisé qu'ils n'étaient pas aussi vitaux. Nous avons remis à plus tard la vie jusqu'au jour où il serait possible de la revivre.
Nous voulons retrouver cette normalité pleine d’embuches où nous essayions d'arriver à notre destination en empruntant le chemin le plus court.
Carlos del Amor
Londres 1, 2018
Impression directe sur Dibond
103 x 300 cm
Lors de ma visite de trois jours à Bilbao pendant le confinement, j'ai eu l'occasion de prendre des photos de la ville déserte à cause de la pandémie qui fait encore rage dans le monde.
L’absence humaine dans la rue engendrait des images inhabituelles de routes, d'avenues et de places totalement vides, mais le plus troublant était de savoir que tous les habitants étaient là, à quelques mètres de moi, protégés entre leurs quatre murs. Malgré la proximité, le silence régnait, rompu occasionnellement, et en particulier lorsqu'il s'agissait de rendre hommage au personnel soignant.
Carlos del Amor
Pont de La Salve 10-04-2020 11h15, 2020
Impression directe sur Dibond
200 x 266 cm
Gran Vía D. Diego López de Haro 10-04-2020 14h04, 2020
Impression directe sur Dibond
170 x 226,5 cm
Place Ernesto Erkoreka 10-04-2020 12h46, 2020
Impression directe sur Dibond
180 x 240 cm
Carlos del Amor
Rue Elcano 10-04-2020 14h16, 2020
Impression directe sur Dibond
200 x 150 cm
Pont de la Mairie 10-04-2020 12h41, 2020
Impression directe sur Dibond
156 x 300 cm
Gran Vía D. Diego López de Haro 12-04-2020 16h16, 2020
Impression directe sur Dibond
200 x 144,7 cm
Avenue Sabino Arana 12-04-2020 18h19, 2020
Impression directe sur Dibond
169,9 x 225,5 cm
Rue Bailén 10-04-2020 17h03, 2020
Impression directe sur Dibond
200 x 150 cm
Carlos del Amor
Métro Bilbao 1 18h28, 2020
Impression directe sur Dibond
124,6 x 300 cm
Carlos del Amor
Aéroport de Bilbao, 11-04-2020 13h07, 2020
Impression directe sur Dibond
180 x 240 cm
Carlos del Amor
Tour Iberdrola. 28ème étage 11-04-2020 15h36, 2020
Impression directe sur Dibond
200 x 300 cm